Cet ouvrage est un recueil de conférences données par Sandor Ferenczi, qui est un psychanalyste considéré comme le fondateur de la psychanalyse de l’enfant, même s’il n’a jamais accompagné d’enfant en cure.
Il a développé l’idée que des parties infantiles orientent et animent la vie de l’adulte. Il introduit cette idée que dans l’adulte, un enfant se cache. Ce qui intéresse S. Ferenczi ce sont les traumas, les blessures de l’enfant qui, telle une ombre, sont inscrits dans l’adulte. Ces souffrances ne disparaissent pas, elles peuvent être réactualisées.
On retrouve le couple enfant/ adulte sous plusieurs formes : patient/ médecin, analysant/ analyste, élève/ maître,… enfant/ mère.
Pour accompagner les patients vers cet infantile, il prend une posture maternelle protectrice et réparatrice, afin de favoriser le langage de la tendresse et toucher l’enfant qui a souffert en eux. Cela lui permet d’accéder peu à peu des couches plus profondes et régressives de la psyché de l’analysant. Il s’inspire de techniques du jeu expérimenté par Mélanie Klein, similaire à un espace transitionnel winnicottien.
Il fait la différence entre l’enfant réel et l’infantile reconstruit par la psychanalyse. Car ce qui peut être retrouvé n’est jamais identique à ce qui a été, du fait d’un psychisme vivant, en mouvement.
Pour l’auteur, la pédagogie et l’éducation de son époque favorisent la négation des émotions, des idées, et donc leur refoulement, ce qui impacte la vie de la personne toute sa vie, avec des souffrances, des symptômes qui apparaissent. En prévention, il propose une pédagogie fondée sur l’accueil, la compréhension et l’écoute des enfants dans leur vie émotionnelle et pulsionnelle, tout en évitant les dogmes et les mensonges.
Dans cet ouvrage, une conférence est consacrée au développement du sens de réalité chez l’enfant.
Nouveau-né, l’enfant vit dans l’illusion de sa toute- puissance, en écartant pulsionnellement la réalité insatisfaisante : tous ses besoins sont remplis sans effort par des hallucinations positives et négatives. Au fur et à mesure des déceptions rencontrées, l’appareil psychique se résout à se représenter l’état réel du monde extérieur, en cherchant à le modifier : ce sont les stade- plaisir et stade- réalité. Dans sa perspective précurseuse d’une vie psychique intra- utérine, S. Ferenczi suppose que le fœtus doit éprouver l’impression d’être réellement tout- puissant, car il peut avoir l’impression d’avoir tout ce qu’il veut, et ne rien avoir à désirer. La naissance vient perturber ce sentiment, ainsi un phénomène d’adaptation au retour de celui-ci se met en place, avec le désir de le retrouver. D’où le phénomène d’hallucinations qui favorisent le maintien dans cette illusion de toute- puissance et refoulent la perception du réel ; notamment lors de la période de la toute- puissance, à l’aide de gestes magiques, où le bébé en se manifestant par des gestes, des cris ou autres verra venir l’assouvissement de son désir par des puissances supérieures « divines » (mère). Peu à peu une discordance douloureuse va s’installer dans son vécu. Il est obligé de distinguer de son moi (monde extérieur) certaines choses qui résistent à sa volonté : les sentiments se séparent des impressions sensibles. Cette première phase de toute- puissance est la phase d’introjection du psychisme, celle où toutes les expériences sont incluses dans le moi ; la seconde phase, c’est à dire l’expérience de la réalité, est celle de la phase de projection du développement du moi. Pour S. Ferenczi, l’apogée du sens de réalité est atteint dans une perception déterministe et sous conditions. Les contes pour enfant racontent les désirs insatisfaits et refoulés des adultes, la situation perdue de toute- puissance.
Puis, S. Ferenczi relate l’histoire du petit homme-coq (un petit garçon focalisé sur les gallinacés depuis le pincement de son sexe par un coq) comme vignette clinique, pour expliquer l’angoisse de castration en lien avec l’évolution de la libido chez l’enfant.
Il s’attache à démontrer l’importance pour l’enfant que sa famille s’adapte à ses besoins et ressentis, car l’angoisse est en relation avec les modifications physiologiques, possiblement traumatiques, en commençant par la naissance, puis le sevrage, la propreté, les codes à respecter et le passage à la vie d’adulte. Toutes les perturbations non ou mal accompagnées par l’entourage peuvent jeter une ombre traumatique sur l’adulte en devenir. Le moi s’enrichit à partir du monde extérieur ; peu à peu le père et la mère réels perdent de l’importance, pour que s’installent un père et une mère intra- psychiques : c’est le sur-moi.
Quand l’enfant est mal accueilli, avec une mère impatiente, rejetante ou absente, cela peut générer des tendances d’autodestruction inconscientes. Ces enfants pourraient vouloir mourir plus facilement. S.Ferenczi aborde la question des pulsions de vie et de mort, entrelacées. Il propose l’idée que la pulsion de vie, faible au début, résiste aux difficultés de la vie dès la naissance, et elle est renforcée par un entourage aimant et attentionné. En son absence, le bébé pourrait se laisser mourir.
A la fin de l’ouvrage, il s’attache à expliquer comment la cure avec les enfants, expérimentée par M. Klein et A. Freud, l’inspire pour accompagner les adultes. Il propose avec l’association libre une relaxation, ce qui amène parfois certains patients à plonger dans une sorte de transe hallucinatoire, qui remet en scène des traumas infantiles. Il précise que c’est important d’utiliser l’influence thérapeutique pour permettre au patient d’élaborer ses propres productions. Comme l’enfant qui a tendance à s’appuyer sur « un grand » dans les moments de détresse. Si en cure le patient se sent abandonné, en détresse, il se reconnecte avec l’enfant abandonné qui vibre en lui.
Commentaire personnel
C’est un petit livre qui aborde un thème fondamental pour la psychanalyse rêve- éveillé, facile à lire. C’est l’évidence aujourd’hui de la présence d’un enfant intérieur qui est trop souvent oublié, nié, mis de côté par notre part adulte, et que notre pratique va pouvoir recontacter, afin de lui permettre de prendre sa juste place à l’intérieur de soi.